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Vétérinaires et santé publique : bien plus qu’un métier d’animaux

11 juin 2025

Comprendre l’ancrage du vétérinaire en santé publique

Lorsque l’on imagine le vétérinaire, l’image qui vient spontanément est celle du professionnel en blouse blanche soignant un animal de compagnie. Pourtant, derrière ce métier existe une dimension bien plus vaste, à la croisée du soin animal, de la santé humaine et de la préservation de notre environnement : la santé publique vétérinaire. En France, près de 20% des vétérinaires exercent leur activité à temps plein ou partiel dans des fonctions liées à la santé publique (source : Ordre National des Vétérinaires, 2023).

Ce rôle, longtemps méconnu du grand public, s’impose aujourd’hui comme un pilier face aux défis émergents : zoonoses, sécurité alimentaire, antibiorésistance, gestion des crises sanitaires... La pandémie de COVID-19 en a été un révélateur brutal. L’interconnexion entre santé animale, santé humaine et écosystèmes n’est plus une abstraction mais un enjeu primordial, résumé dans la démarche “One Health, Une Seule Santé”.

Quelles missions recouvre la santé publique vétérinaire ?

1. La sécurité sanitaire des aliments d’origine animale

Première mission historique mais toujours d’actualité : garantir la sécurité sanitaire de la chaîne alimentaire. Chaque jour, les vétérinaires inspecteurs œuvrent pour que viande, lait, œufs ou poissons mis sur le marché ne présentent aucun risque pour le consommateur.

  • Inspection des abattoirs et établissements agroalimentaires : 4 000 vétérinaires travaillent pour l’État ou les directions départementales de protection des populations (DDPP) dont une part conséquente affectée à ces contrôles (source : Ministère de l’Agriculture, 2022).
  • Contrôle de la qualité sanitaire : analyses microbiologiques, recherche de résidus médicamenteux ou de contaminants chimiques, prélèvements réguliers.
  • Gestion des non-conformités : retrait de lots, fermeture temporaire d’ateliers, traçabilité des filières en cas d’alerte alimentaire (ex : intoxications dues à Listeria ou Salmonella).

L’ampleur de cette tâche est colossale : selon l’ANSES, 1,7 million de tonnes de viandes sont inspectées chaque année en France, soit plus de 40 000 inspections dans les abattoirs (ANSES, 2021).

2. La surveillance et la prévention des zoonoses

70% des maladies infectieuses émergentes humaines sont d’origine animale (OMS, 2023). La surveillance vétérinaire joue donc un rôle clé dans la protection de la population :

  • Détection précoce des foyers épidémiques : influenza aviaire, fièvre aphteuse, peste porcine africaine, rage, tuberculose bovine…
  • Signalement et gestion des alertes : ces alertes, transmises aux autorités sanitaires, peuvent éviter la propagation massive vers l’humain. Par exemple, la surveillance renforcée des élevages en 2022 a permis de prévenir l’extension de la grippe aviaire à l’ensemble du territoire.
  • Collaboration étroite avec l’ANSES, Santé Publique France, et l’ECDC : dans la constitution de bases de données épidémiologiques, la rédaction de protocoles et la conduite d’enquêtes épidémiologiques de terrain.

Concrètement, les vétérinaires ne se contentent pas d’agir après coup : ils participent, par la prophylaxie, à limiter les risques en amont, notamment via la vaccination des animaux domestiques et d’élevage, et la sensibilisation des détenteurs d’animaux.

3. La lutte contre l’antibiorésistance

L’usage raisonné des antibiotiques, sujet de plus en plus sensible, place le vétérinaire à une position stratégique. Selon l’ANMV, la vente d’antibiotiques vétérinaires a diminué de 53% en France entre 2011 et 2022 (source : Rapport ESVAC, 2022), preuve de l’engagement de la profession.

  • Prescription responsable : les vétérinaires sont à l’origine de la majorité des prescriptions en élevage, encadrant leur usage pour éviter l’apparition de résistances bactériennes transférables à l’homme.
  • Participation à des plans nationaux : plans Écoantibio, surveillance de l’antibiorésistance (Résapath), audits dans les élevages.
  • Formation et communication : les vétérinaires, au contact des éleveurs et propriétaires, ont un rôle pédagogique vital pour expliquer les enjeux, orienter vers des alternatives et accompagner le changement.

Ce combat s’inscrit dans la politique de santé publique globale, car l’OMS estime que l’antibiorésistance pourrait causer jusqu’à 10 millions de morts par an dans le monde à l’horizon 2050 si rien n’est fait.

4. La participation à la gestion des crises sanitaires

Lorsqu’une crise sanitaire touche le secteur animal ou alimentaire, les vétérinaires sont en première ligne :

  • Organisation et gestion de la réponse aux épizooties : culling, vaccination d'urgence, cordons sanitaires (exemple : gestion de la fièvre catarrhale ovine dans les années 2000, ou de l’influenza aviaire ces dernières années).
  • Traçabilité et investigations épidémiologiques : localisation des foyers, remontée rapide de l’information, analyses de risques.
  • Communication et concertation : liens pivot entre services de l’État, filières professionnelles, population et médias lors de crises qui impactent l’opinion publique.

En 2022, la gestion de la plus grave épizootie de grippe aviaire de l’histoire européenne, avec plus de 19 millions de volailles abattues en Europe, a largement reposé sur la mobilisation vétérinaire (source : EFSA, 2023).

5. Le contrôle du bien-être animal et de l'éthique des productions

Sous l’impulsion sociétale et de la réglementation (Règlement UE 2017/625), les missions de bien-être animal font désormais partie intégrante des responsabilités de la santé publique vétérinaire :

  • Contrôle du respect des normes dans les élevages et abattoirs
  • Signalement et intervention en cas de maltraitance animale
  • Conseil sur l’adaptation des pratiques d’élevage, transport, abattage

Depuis 2019, la France a renforcé ses inspections sur le bien-être animal, avec plus de 12 000 contrôles réalisés en 2022 (Ministère de l’Agriculture, 2022).

6. La surveillance de l’environnement et des interactions écosystémiques

Les vétérinaires s’impliquent activement dans la santé environnementale, autre versant de la santé publique :

  • Contrôle des pollutions d’origine agricole
  • Soutien à la gestion de la faune sauvage (surveillance des maladies, gestion des populations en lien avec la biodiversité)
  • Conseil pour limiter l’impact des pratiques d’élevage sur l’eau, l’air, les sols

L’émergence de maladies à la frontière entre animaux sauvages et domestiques (peste porcine africaine, tuberculose à mycobacterium bovis dans la faune sauvage) montre l’importance de cette action.

Des métiers variés, un engagement au service du collectif

Toutes ces missions se déclinent dans une diversité de métiers et de statuts. Outre les vétérinaires fonctionnaires de l’État, on trouve des vétérinaires inspecteurs rattachés à l’Union Européenne, des intervenants au sein de laboratoires publics ou privés, des experts de l’ANSES, des praticiens sentinelles, et de plus en plus, des acteurs de terrain impliqués dans la démarche One Health.

Leur parcours illustre l’ouverture croissante du métier. Plusieurs universités françaises proposent un cursus dédié à la santé publique vétérinaire, comme l’ENVT à Toulouse ou Oniris à Nantes, en lien avec des formations en épidémiologie et risques sanitaires.

Enfin, la France compte parmi les pays moteurs sur le plan international : près de 10% des experts de l’Organisation Mondiale de la Santé Animale (OMSA, ex OIE) sont d’origine française.

Quelles perspectives pour la santé publique vétérinaire ?

Face à la mondialisation des échanges, à l’urbanisation croissante, à la mutation des systèmes alimentaires et à l’émergence de nouveaux risques, la santé publique vétérinaire est plus cruciale que jamais. Les attentes de la société évoluent vers davantage de transparence, de responsabilité, de bien-être animal, d’engagement environnemental.

Plusieurs défis attendent encore la profession :

  • Renforcer la coordination entre médecins, vétérinaires et environnementalistes, dans l’esprit One Health
  • Mieux anticiper les crises liées au changement climatique et à la biodiversité
  • Sensibiliser la population, notamment les jeunes, à l’étendue et à l’utilité sociale du métier
  • Soutenir la formation et la recherche, pour répondre aux attentes croissantes sans épuiser les vocations

La santé publique vétérinaire, par le spectre large de ses missions, incarne la dimension la plus collective et la plus discrète du métier, celle qui œuvre dans l’ombre pour garantir la sécurité, la santé et l’équilibre des sociétés humaines et de leurs environnements. À l’heure où la complexité des défis sanitaires ne cesse d’augmenter, cette fonction de “gardien du vivant” restera un axe fort pour la profession vétérinaire et pour l’ensemble de la société.

Sources : ANSES, OMS, Ministère de l’Agriculture, EFSA, Ordre National des Vétérinaires, Rapport ESVAC, European Centre for Disease Prevention and Control, OMSA.

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