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Au-delà de la clinique : les vétérinaires, acteurs essentiels de l’industrie pharmaceutique et agroalimentaire

23 juin 2025

Un métier aux multiples facettes, bien au-delà du soin animal

L’image du vétérinaire reste encore largement associée à la blouse blanche, au stéthoscope, et à l’amour des animaux de compagnie. Mais pour nombre d’entre eux, la réalité quotidienne est tout autre. Ils œuvrent au sein d’équipes pluridisciplinaires, au cœur d’industries déterminantes pour la santé humaine et animale : la pharmaceutique et l’agroalimentaire.

Ce choix professionnel, méconnu ou parfois mal perçu par le grand public et même par la profession elle-même, reflète pourtant une évolution fondamentale du métier. Selon l’Ordre National des Vétérinaires, environ 10 % des diplômés de chaque promotion s’orientent vers l’industrie (Ordre des Vétérinaires).

Pourquoi l’industrie pharmaceutique et agroalimentaire a besoin de vétérinaires ?

Les filières animales, qu’elles concernent l’alimentation ou la santé, ont un impact direct sur la société. Les crises sanitaires des décennies passées (ESB, grippe aviaire, dioxine, Fipronil…) ont démontré combien la sécurité des aliments et la maîtrise des risques liés aux animaux sont essentielles pour l’ensemble de la chaîne alimentaire. Dans ce contexte, le vétérinaire possède une expertise unique :

  • Connaissance pointue de la biologie animale (physiologie, pathologies, comportements)
  • Compétences en épidémiologie et hygiène
  • Maîtrise de la réglementation nationale et internationale
  • Capacité à dialoguer avec des instances variées (agriculteurs, décideurs, laboratoires, services vétérinaires, institutions européennes…)

La démarche One Health (« Une seule santé »), promue par l’OMS, repose sur l’étroite collaboration entre santé humaine, santé animale et environnement. Les vétérinaires en sont des acteurs clés : 60 % des maladies infectieuses humaines sont d’origine animale (zoonoses, source : OMS).

Les missions du vétérinaire dans l’industrie pharmaceutique

Développement et contrôle des médicaments vétérinaires

Un médicament vétérinaire efficace et sûr suppose une longue succession de phases encadrées. Le vétérinaire intervient à chaque étape :

  • Recherche et développement : sélection des molécules, études sur l’animal cible, analyse du métabolisme et des effets secondaires. Leur expertise sert à anticiper les éventuels risques de toxicité ou d’inefficacité et à respecter l’éthique animale.
  • Essais cliniques : coordination et supervision des tests, choix des paramètres à évaluer, collecte des données et interprétation des résultats.
  • Affaires réglementaires : constitution des dossiers d’autorisation de mise sur le marché (AMM), échanges avec l’Agence Nationale du Médicament Vétérinaire (ANMV) et l’Agence européenne des médicaments (EMA).
  • Pharmacovigilance : veille sur la sécurité des produits après commercialisation, gestion des retours terrain et des suspicions d’effets indésirables.

Quelques chiffres : la France compte plus de 500 AMM de médicaments vétérinaires actifs, pour un marché annuel dépassant 950 millions d’euros (SIMV, 2022).

Production et assurance qualité

  • Surveillance des process de fabrication, du respect des bonnes pratiques : de la pureté des lots à la traçabilité, la responsabilité vétérinaire est grande.
  • Gestion de l’étiquetage, conformité avec les normes, communication avec les vétérinaires praticiens et les éleveurs.
  • Quelques vétérinaires œuvrent aussi à la conception de vaccins – secteur stratégique, notamment pour la prévention des épizooties (grippe aviaire, fièvre aphteuse…).

Les rôles-clés du vétérinaire dans l’industrie agroalimentaire

Sécurité sanitaire et contrôle qualité

Dans l’agroalimentaire, le vétérinaire n’est pas qu’« inspecteur des viandes ». Il pilote souvent des dispositifs entiers de sécurité sanitaire :

  • Supervision des abattoirs et des ateliers de transformation : contrôle ante et post-mortem, détection des maladies, mise à l’écart des carcasses à risque.
  • Gestion de l’hygiène, du bien-être animal, et de la traçabilité sur toute la chaîne alimentaire.
  • Mise en place et audit des plans HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point), identification proactive des points critiques pour prévenir toute contamination alimentaire.

En France, plus de 4000 vétérinaires travaillent en sécurité alimentaire et inspection officielle selon l’Anses, dont beaucoup dans le secteur privé.

Développement de produits et conseils techniques

  • Définition des cahiers des charges pour les produits (lait, œufs, viandes), intégrant non seulement la sécurité, mais aussi la qualité nutritionnelle, les labels (bio, Label Rouge…) ou le bien-être animal.
  • Appui aux filières pour réduire l’utilisation des antibiotiques, prévenir l’antibiorésistance – enjeu majeur reconnu par l’OMS et l’OIE.
  • Dialogue avec la distribution et les consommateurs pour expliciter démarches qualité et progrès réalisés (« sans antibiotiques, nourri sans OGM… »).

De la réglementation à l’innovation : entre contraintes et opportunités

Si le travail vétérinaire en industrie suppose la maîtrise d’un cadre réglementaire complexe, il ouvre aussi la voie à l’innovation. Les enjeux actuels sont nombreux :

  • Transition vers des modèles agroécologiques, durables, tenant compte du bien-être animal.
  • Lutte contre l’antibiorésistance : la France a diminué de 45 % l’exposition des animaux d’élevage aux antibiotiques entre 2011 et 2020 (Anses, 2021).
  • Développement d’alternatives (probiotiques, phytothérapie, vaccination améliorée…)
  • Emergence de protéines alternatives (insectes, végétal : le vétérinaire peut aussi apporter son expertise pour l’évaluation de ces nouveaux produits).

L’importance du dialogue science-société prend ici tout son sens. Les scandales alimentaires ou sanitaires des années 2000 ont profondément entamé la confiance des citoyens. Le vétérinaire industriel, souvent « inconnu du grand public », joue un rôle clé d’interface et de garant de l’intérêt général.

Parcours, formations, compétences : ce qui mène à ces carrières

Certaines écoles vétérinaires proposent une spécialisation « industrie », renforcée par des stages, des Masters (ex : Master « Sciences du médicament », « Contrôle et sécurité des produits de santé », etc.) ou encore des doubles diplômes ingénieur.

Les compétences recherchées dans l’industrie vont au-delà du savoir médical :

  • Gestion de projet
  • Communication, gestion de crise
  • Maîtrise de l’anglais et ouverture internationale
  • Analyse de risque, gestion réglementaire

Le salaire moyen d’un vétérinaire en industrie se situe, en début de carrière, entre 38 000 et 45 000 euros brut annuels, avec des perspectives d’évolution vers le management, la direction technique… ou l’expatriation.

À noter que les vétérinaires constituent environ 15 % des effectifs scientifiques dans les industries du médicament vétérinaire en France (source SIMV).

Encore des freins… et pourtant des pistes d’engagement

Les carrières vétérinaires en industrie sont parfois victimes de préjugés : éloignement du terrain, moindre impact « immédiat » sur l’animal, métiers « bureaucratiques ». Pourtant, les enquêtes menées par les écoles vétérinaires françaises montrent que ce secteur garantit un épanouissement professionnel à nombre de ses praticiens. Il apporte aussi une dimension « politique » au sens noble : agir pour la santé de tous à grande échelle.

Des regroupements comme le SIMV (Syndicat de l’Industrie du Médicament et réactifs Vétérinaires), ou le réseau VetaGroSup, favorisent ce dialogue entre le terrain, la recherche, le soin et l’industrie.

Oser ces parcours, c’est aussi contribuer à renouveler la profession, diversifier les profils et valoriser la place du vétérinaire dans la société.

Faire évoluer les regards et les pratiques

Plus que jamais, les grandes transitions – alimentaires, environnementales, sanitaires – demandent des experts capables de relier l’éleveur au laboratoire, le bien-être animal à la réalité économique, la réglementation à l’innovation. Les vétérinaires présents dans les industries pharmaceutique et agroalimentaire sont ces passeurs, porteurs d’éthique, de rigueur scientifique et d’ambition collective.

Pour découvrir ces carrières, de nombreuses ressources existent : retours d’expérience de professionnels, stages, journées « industrie » dans les écoles, ou contacts via les syndicats sectoriels.

Loin d’être moins vétérinaires, ces professionnels élargissent le champ de notre responsabilité. Ils dessinent d’autres façons d’être « acteur du vivant », à la croisée des intérêts animaux, humains et planétaires.

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