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Panorama des statuts professionnels et modes d’exercice du vétérinaire en France : évolutions et réalités du terrain

7 juillet 2025

Le vétérinaire libéral : socle historique et défis contemporains

Le statut libéral demeure la modalité la plus connue et la plus ancienne de l’exercice vétérinaire en France. Selon l’Ordre National des Vétérinaires, en 2022, près de 80 % des vétérinaires exerçant en structure privée relèvent du libéral (Ordre National des Vétérinaires).

  • À qui s’adresse-t-il ? Ce statut est principalement choisi par celles et ceux qui souhaitent une indépendance dans leur organisation, la possibilité d’entreprendre, et une maîtrise de leur outil de travail. Il suppose d’assumer la gestion intégrale – voire, dans les petites unités, la clinique, l’administratif, la communication et la relation client.
  • Quel cadre juridique ? Le vétérinaire libéral exerce en nom propre (entreprise individuelle, micro-entreprise, EIRL), ou, le plus souvent aujourd’hui, au sein de sociétés (SELARL, SELAS, SCV, SCP). Ces structures permettent d’associer plusieurs praticiens, éventuellement avec différents statuts au sein de la société.
  • Les obligations : inscription à l’Ordre, assurance RCP, respect des obligations sanitaires, gestion des déchets, conformité à la législation sociale pour les employés, etc.

Évolutions notables : Les pressions économiques croissantes (augmentation des charges, coût du matériel, difficulté d’accès au foncier), mais aussi les attentes éthiques et sociales (équilibre vie pro-vie perso, développement durable, responsabilité sociétale), modifient la manière d’exercer en libéral. D’après une enquête SNVEL 2022, 52 % des vétérinaires libéraux citent la gestion du temps et de la charge mentale comme leur principal défi.

Le salariat en clinique vétérinaire : sécurité, encadrement, et évolution des aspirations

Longtemps minoritaire, le salariat séduit aujourd’hui une part croissante des nouveaux diplômés. En 2023, près d’un tiers des vétérinaires occupant un poste en clinique ou cabinet est salarié, chiffre en hausse régulière (APEC/SNVEL).

  • Pourquoi choisir ce statut ?
    • Sécurité de l’emploi (en CDI ou CDD, temps plein ou partiel), accès à la protection sociale complète (assurance maladie, prévoyance, chômage).
    • Possibilité de se concentrer exclusivement sur la pratique médicale, sans les contraintes de gestion.
    • La mutualisation du temps de travail (rotation, astreintes partagées) permet parfois un meilleur équilibre de vie.
  • Limites du statut : Moins de pouvoir décisionnaire, dépendance vis-à-vis de la direction/le propriétaire de la clinique. La reconnaissance hiérarchique et salariale demeure un enjeu, les grilles salariales restant moins attractives que l’espérait la génération montante.

D’après l’Observatoire de la profession vétérinaire, le salariat est aussi apprécié lors des débuts de carrière, pour s’aguerrir, avant, potentiellement, de se tourner vers l’associat ou la création d’une structure.

Le vétérinaire fonctionnaire : acteur clé de la santé publique

Loin de se cantonner à la médecine des animaux, le vétérinaire fonctionnaire porte des missions essentielles pour la collectivité :

  • Contrôles sanitaires à l’abattoir, sécurité alimentaire, gestion des alertes sanitaires (peste porcine, grippe aviaire …)
  • Santé et bien-être animal sur le territoire, missions d’inspection au sein de la DGAL (Direction Générale de l’Alimentation), la DDPP, et les DRAAF.
  • Enseignement, recherche, expertise réglementaire.

Environ 1450 vétérinaires fonctionnaires d’État sont en poste, avec une représentation féminine majoritaire (environ 63 %, source : Ministère de l’Agriculture 2023). Le concours d’entrée (catégorie A) demeure sélectif, et le statut offre une grille salariale typique de la fonction publique, avec ses avantages (retraite, mobilité) et ses contraintes (hiérarchie, déplacements fréquents).

Le vétérinaire indépendant ou freelance : la flexibilité, mais à quel prix ?

Le statut d’indépendant, souvent assimilé à celui de remplaçant ou de consultant, s’est développé en réponse à la demande de flexibilité du secteur. Il concerne environ 2 à 5 % des vétérinaires en exercice (source : VetXplore, 2023).

  • Formes d’exercice : Remplacements ponctuels ou réguliers, vacations spécialisées (imagerie, anesthésie), interventions d’urgence, formations, téléconsultation.
  • Avantages : Choix des missions, organisation libre, absence de gestion structurelle lourde.
  • Inconvénients : Instabilité des revenus, isolement relatif, absence d’accès au chômage en statut classique, nécessité de souscrire à une assurance maladie et une prévoyance adaptée.

Les indépendants agissent en micro-entreprise ou en entreprise individuelle, parfois via des sociétés unipersonnelles. Le réseau est clé pour accéder à des missions et les plateformes spécialisées (RemplaVet, Vetofficine) se multiplient.

La possibilité du multi-statut : une tendance qui progresse chez les jeunes générations

L’exercice hybride attire de plus en plus, tant pour des raisons économiques qu’organisationnelles. Il est possible, sous conditions, de :

  • Cumuler un emploi salarié à temps partiel et une activité libérale en complément.
  • Mener une activité en libéral tout en effectuant des missions en portage salarial ou en intérim.
  • Être à la fois vétérinaire praticien et enseignant vacataire en école vétérinaire.

Toutefois, vigilance sur les règles de non-concurrence, les compatibilités d’assurances, et la gestion de la charge de travail. La diversification permet d’équilibrer revenus et envies professionnelles, mais requiert une organisation pointue.

Créer ou reprendre une structure vétérinaire : conditions, enjeux, conseils

La création ou la reprise reste un cap majeur dans une carrière vétérinaire. Depuis 2020, le pourcentage de structures créées par moins de 5 ans de diplômés stagne à environ 7 % (SNVEL), traduisant une certaine frilosité liée au contexte économique et à la complexification des démarches.

  • Conditions essentielles :
    • Être inscrit à l’Ordre, disposer du diplôme d’État, choisir le bon statut juridique (le plus fréquent en 2024 : SELARL pour les associés, EI pour les solos).
    • Élaborer un projet solide : étude de marché, business-plan, obtention de financements (banques, BPI, aides régionales, etc.).
    • Rédiger un règlement intérieur, respecter les normes sanitaires et sécuritaires (locaux, gestion des DASRI, affichage réglementaire).
  • Clés de la reprise : Diagnostic préalable, analyse comptable et sociale, accompagnement sur la transition patientèle, négociation du prix et modalités d’accompagnement du cédant.

Anecdote : Près de 65 % des structures rurales cherchent un successeur sans succès, particulièrement dans le Massif central et en Bourgogne-Franche-Comté (source : Revue Vétérinaire Pratique).

Le collaborateur libéral, un positionnement intermédiaire

Plus qu’une simple relation de remplacement, le statut de collaborateur libéral permet à un jeune praticien d’exercer « chez » un praticien titulaire, avec une autonomie relative. Il représente environ 8 à 10 % des contrats en cabinet (Vetojuris).

  • Avantages : Indépendance dans la pratique, construction d’une clientèle, cotisation au régime des libéraux, pas de lien de subordination, possibilité de devenir associé à moyen terme.
  • Inconvénients : Moins de stabilité/régularité de revenus que le salariat, des marges de manœuvre parfois réduites selon le rapport avec le titulaire, difficulté d’accès à certains droits sociaux en cas de cessation temporaire d’activité.

L’encadrement législatif (contrat écrit, partage équitable du temps de travail, temps de repos obligatoire) tend à limiter les abus, mais le statut reste à manier avec discernement.

Focus sur le portage salarial : une nouvelle voie pour les vétérinaires ?

Le portage salarial, autorisé dans le secteur vétérinaire, séduit certains praticiens en quête d’autonomie sans la complexité administrative. Il consiste à confier la gestion de ses prestations à une société de portage, qui facture les clients et reverse un salaire au vétérinaire, après prélèvement de frais et cotisations (Portageo).

  • Avantages : Protection sociale du salariat (assurance chômage, retraite), gestion administrative déléguée, simplicité pour les missions ponctuelles.
  • Limites : Cumul des frais de gestion, limitation par certains organismes d’accueil, salaire net souvent inférieur à un exercice libéral classique du fait des charges du portage.

La démarche est particulièrement attractive en début de carrière, ou lors d’un retour à l’exercice après une pause.

Le statut du vétérinaire militaire : servir au-delà du soin animal

Moins connu du grand public, le vétérinaire des armées (issus du corps des Vétérinaires biologistes des armées) s’engage au service des forces armées françaises. Au nombre de 160 environ (Ministère de la Défense), ils remplissent des missions variées :

  • Santé animale (chiens de guerre, chevaux des régiments, élevages militaires), veille sanitaire et biologique, prévention des zoonoses en opérations extérieures.
  • Contrôle alimentaire, inspections sanitaires sur les sites militaires, missions de biosécurité.
  • Déploiement dans des contextes de crise humanitaire (missions civiles/militarisées à l’étranger).

Le recrutement se fait sur concours, avec formation militaire puis déploiement à travers la France ou l’étranger. L’engagement requiert une grande capacité d’adaptation et un solide sens du service public.

Groupements et mutualisations : la structuration progressive du secteur

Depuis la fin des années 2010, le paysage vétérinaire français connaît un phénomène d’agrégation : l’émergence de groupements, réseaux et cliniques multisites.

  • En 2023, plus de 18 % des structures vétérinaires étaient rattachées à un groupement ou une chaîne (ex : VétPartners, Univet, Anicura), chiffre en croissance rapide (SNVEL).
  • Mise en commun des ressources, capacités d’investissement accrues (imagerie, chirurgie, R&D), mutualisation des fonctions supports (RH, achats, communication).

Si ces regroupements offrent des moyens techniques et humains inédits, ils posent aussi des questions sur la gouvernance, l’indépendance médicale, la place du praticien dans un modèle de plus en plus entrepreneurial. De nombreux débats animent la profession, entre opportunités d’innovation et crainte d’une perte d’autonomie.

Entre choix personnels, contexte économique, et transformations sociales : quelle trajectoire choisir ?

La diversité statutaire reflète la richesse et la complexification du métier de vétérinaire en France. Le choix d’un statut ne dépend plus seulement de la vocation initiale, mais d’une réflexion globale sur le mode de vie recherché, la place accordée à la spécialisation, la conciliation entre passions et contraintes économiques, et l’évolution attendue du secteur.

Anticiper l’avenir de la profession nous invite à ouvrir le débat, à accompagner la montée en compétences, à préserver la qualité du soin… et à mieux valoriser la pluralité des trajectoires vétérinaires. C’est aussi, pour les futurs praticiens comme pour les plus expérimentés, une boussole précieuse pour se réinventer, ensemble, au service du vivant.

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