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Les nouvelles raisons du choix salarié en clinique vétérinaire en France

13 juillet 2025

Le salariat vétérinaire, un phénomène en pleine croissance

Le paysage vétérinaire français vit depuis quelques années une mutation profonde et rapide. Longtemps dominé par la figure du praticien libéral, souvent chef d’entreprise, le secteur des cliniques voit apparaître une nouvelle dynamique : le nombre de vétérinaires salariés augmente, notamment chez les jeunes diplômés, mais aussi parmi des praticiens plus expérimentés réévaluant leurs aspirations professionnelles. Selon les chiffres du Conseil National de l’Ordre des Vétérinaires, en 2022, environ 45% des vétérinaires exercent sous statut salarié, une proportion en hausse régulière depuis une décennie (Ordre des Vétérinaires).

Derrière cette évolution, des réalités multi-factorielles se dessinent, dépassant le simple choix de statut pour toucher aux conditions d’exercice, à l’équilibre de vie, aux attentes générationnelles ou encore aux transformations structurelles du marché clinique.

Recherche de stabilité et de sécurité : le socle du choix

Le salariat offre avant tout un cadre rassurant. Pour beaucoup, ce statut rime avec sécurité de l’emploi, prédictibilité des revenus, protection sociale complète et couverture maladie. Ce sont des points décisifs, surtout au début de carrière, dans un contexte où la charge mentale pesant sur les chefs d’entreprise vétérinaires n’a jamais été aussi forte (enjeux administratifs, responsabilités médico-légales, gestion du personnel, risques économiques).

  • Solde régulier : Le salaire fixe est une garantie qui attire, là où les revenus des libéraux restent soumis à la variabilité de l’activité.
  • Protection sociale : Arrêt maladie, congés maternité/paternité et couverture chômage sont un filet de sécurité souvent cité.
  • Responsabilités limitées : En tant que salarié, le vétérinaire se concentre essentiellement sur la pratique médicale, déléguant les tâches de gestion à l’employeur.

Ces avantages répondent à une aspiration marquée à la fois par une recherche d’équilibre et par la volonté d’exercer le métier sous des contraintes administratives allégées, dans un climat d’incertitudes économiques généralisées (Syndicat National des Vétérinaires d’Exercice Libéral).

L’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle : une priorité revendiquée

La question de la qualité de vie professionnelle, longtemps reléguée au second plan dans une profession réputée exigeante et chronophage, s’est hissée au rang de préoccupation majeure. Une enquête IFOP pour le SNVEL de 2023 montre que 81% des jeunes vétérinaires considèrent la conciliation vie pro/vie perso comme déterminante dans le choix du salariat (Vetitude).

  1. Aménagement du temps de travail : Le salariat assure des horaires plus fixes, une possibilité accrue de négocier son emploi du temps, et parfois des semaines sans gardes ou astreintes incessantes, point sensible de l’épuisement professionnel.
  2. Limitation de la charge mentale : Les salariés sont généralement préservés des soucis de gestion de structure (stock, ressources humaines, management de crise).
  3. Temps pour soi et sa famille : De nombreux témoignages font état du soulagement d’avoir des congés garantis et le droit à la déconnexion.

Cette recherche de vie équilibrée ne correspond plus à une exception, mais dessine une norme émergente, en particulier dans la nouvelle génération qui n’est pas prête à sacrifier sa santé ou son entourage pour le métier.

Les transformations du marché vétérinaire : le poids croissant des grands groupes

Un autre facteur de fond accompagne le phénomène : la structuration du marché autour de groupes vétérinaires privés. Depuis 2017, leur part dans le secteur a doublé ; ils possèdent aujourd’hui environ 20% des établissements de soins français (Le Monde).

  • Ces groupes proposent des contrats salariés, souvent attractifs, avec des salaires revus à la hausse (jusqu’à 4000€ bruts mensuels pour un débutant en 2023), des primes, et des avantages sociaux (mutuelles, plan épargne, formations…).
  • La possibilité d’évoluer en interne vers des postes de manager, superviseur médical ou formateur séduit une frange de plus en plus large de praticiens désireux de ne pas rester « coincés » dans le quotidien de la consultation.
  • Le soutien logistique allégeant la gestion clinique permet de se recentrer sur la médecine elle-même.

La présence de ces groupes change résolument l’offre d’emploi : plus structurée, balisée, avec des possibilités d’évolution et parfois même des mobilités nationales et internationales.

Une aspiration à la spécialisation et à la formation continue

Le salariat favorise, pour certains, l’accès à la spécialisation. Les grandes structures proposent des plateaux techniques de pointe, des équipes multidisciplinaires et des budgets formation incitatifs. L’accès à des cas plus complexes, l’apprentissage régulier et la collaboration entre spécialistes séduisent nombre de vétérinaires soucieux de progresser.

  • Formation continue : Les plans annuels de formation, financés ou encouragés par l’employeur, permettent une montée en compétence régulière.
  • Partage d’expertise : Travailler dans des équipes de taille importante enrichit professionnellement et favorise la transmission des savoirs.

À cela s’ajoute une perspective de carrière variée, moins cloisonnée, contredisant l’idée que le salariat serait un choix « par défaut ».

Les contraintes et les limites du salariat en clinique vétérinaire

Le choix du salariat n’est cependant pas dénué de défis. Les tensions autour du temps de travail, de l’intensité des journées (consultations en série, pression sur la productivité), et parfois une certaine standardisation des pratiques interrogent. Certains parlent d’une perte d’autonomie décisionnelle, d’une médicalisation « à la chaîne » ou d’un éloignement par rapport à la relation de proximité qui faisait autrefois le sel du métier de vétérinaire de campagne.

  • Moindre liberté dans l’organisation : Les protocoles imposés ou l’obligation de « rentabilité » créent parfois un malaise.
  • Dépendance à un employeur : Les perspectives d’évolution ou d’épanouissement dépendent de la dynamique managériale de la structure.
  • Risques psychosociaux : L’intensité du travail en clinique, le poids des attentes des propriétaires d’animaux et la confrontation fréquente à des situations émotionnellement difficiles existent aussi pour les salariés, avec parfois, une difficulté supplémentaire à déconnecter.

Mais sur le terrain, ces contraintes sont souvent relativisées ou compensées par une ambiance de travail sécurisée, des collègues présents pour « ventiler » les difficultés, et des cadres qui s’intéressent de plus en plus à la prévention de l’épuisement.

Le salariat vétérinaire, reflet des évolutions sociétales

Il serait réducteur de ramener ce choix seulement à une question financière, ou à une préférence pour le confort. Le souhait d’un cadre sécurisé, la valorisation de la sphère privée, l’intérêt pour une évolution professionnelle hors des modèles traditionnels sont l’expression de mutations de fond, qui traversent l’ensemble du monde du travail et pas seulement le champ vétérinaire. Le rapport au sens, à la santé mentale et à la prévention des risques psychosociaux occupe une place centrale dans la réflexion de la nouvelle génération de praticiens.

  • L’étude menée par la Fédération des Syndicats Vétérinaires de France (FSVF), publiée en 2022, estime à 77% la part des vétérinaires de moins de 30 ans considérant le salariat comme la « norme souhaitable » de l’exercice en début de carrière (FSVF).
  • Les écoles vétérinaires réforment leurs enseignements pour intégrer ces nouveaux paramètres (prévention du burnout, préparation au travail d’équipe, droit du travail, gestion de carrière).

Et demain ?

L’essor du salariat en clinique vétérinaire est à la fois le témoignage d’une adaptation du métier à son époque et celui d’une profession en quête de nouveaux équilibres. Les attentes économiques, sociales et personnelles se conjuguent dans un contexte mouvant, où ni les modèles passés, ni les situations actuelles ne paraissent entièrement satisfaisants. La floraison de formes hybrides (associé minoritaire-salarié, CDD de spécialisation, détachement dans des ONG ou des laboratoires partenaires) confirme que les solutions seront variées, évolutives et, par bien des aspects, co-construites avec les vétérinaires eux-mêmes.

Ce mouvement invite à revisiter les enjeux de la formation initiale, à penser la relation au travail autrement, et à continuer de dialoguer entre vétérinaires de toutes générations pour bâtir un avenir équilibré pour la profession. Enfin, il illustre que la liberté n’est pas une dimension monolithique : pour nombre de vétérinaires d’aujourd’hui, elle passe avant tout par le choix du cadre qui leur permettra d’exercer et de vivre pleinement, dans le respect à la fois des animaux, de leurs propriétaires… et d’eux-mêmes.

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