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Les vétérinaires comportementalistes : au cœur du lien homme-animal

14 juin 2025

Un métier au carrefour de la médecine vétérinaire et de la psychologie animale

Longtemps perçu comme l’apanage des propriétaires de chiens « difficiles » ou des chats anxieux, le recours au vétérinaire comportementaliste s’impose aujourd’hui comme une étape essentielle d’une médecine vétérinaire globale et intégrée. À l’heure où les connaissances scientifiques progressent, où la notion de bien-être animal s’enracine dans nos pratiques et où la société s’interroge sur la cohabitation humain-animal, le comportementaliste vétérinaire occupe une place clé, bien au-delà des idées reçues.

Derrière ce titre en apparence singulier, se cache un professionnel formé à diagnostiquer, accompagner et prévenir l’apparition de troubles du comportement chez tous les animaux domestiques. Sa spécificité ? Aborder l’animal non seulement sous l’angle de la santé physique, mais aussi de l’équilibre émotionnel, environnemental et social, avec une vraie rigueur médicale.

  • En France, près de 40% des consultations comportementales concernent le chien, mais la proportion de chats est en croissance constante selon l’AFVAC (AFVAC).
  • Les troubles comportementaux représentent la troisième cause d’abandon des animaux domestiques, après la négligence et les difficultés économiques (Source : Fondation 30 Millions d’Amis, Enquête 2023).

Qu’est-ce qui distingue le vétérinaire comportementaliste ?

Une expertise médicale unique

Le vétérinaire comportementaliste est avant tout un docteur en médecine vétérinaire, qui a choisi de se spécialiser. À la différence d’un éducateur canin ou d’un comportementaliste animalier sans formation vétérinaire, ce professionnel dispose :

  • d’un socle scientifique solide (anatomie, physiologie, pathologies, pharmacologie animalères…)
  • d’une capacité à exclure ou à diagnostiquer une affection médicale sous-jacente derrière un comportement « gênant » (douleur chronique, troubles neurologiques, endocriniens…)
  • de la possibilité légale de prescrire des traitements médicamenteux adaptés, si nécessaire

Selon le Conseil national de l’Ordre des vétérinaires, seuls les vétérinaires sont habilités à poser des actes médicaux relevant de la médecine, y compris dans le champ du comportement (Ordre National des Vétérinaires).

Le champ d’intervention du vétérinaire comportementaliste

  • Prévention (accompagnement à la socialisation du chiot, conseils lors de l’acquisition, gestion de l’environnement...)
  • Consultation pour problèmes établis (agressivité, anxiété, malpropreté, phobies, troubles obsessionnels, hyperactivité...)
  • Médiation autour de la cohabitation humain-animal ou interspécifique (familles, enfants, animaux multiples...)
  • Développement et suivi de plans de réhabilitation pour animaux issus de refuges, maltraitance, anxiété de séparation, etc.

Comment se déroule la formation du vétérinaire comportementaliste ?

En France, la spécialisation s’opère généralement après le cursus de médecine vétérinaire :

  • Formation initiale : Les quatre écoles vétérinaires françaises (VetAgro Sup, Oniris, EnvA, ENVT) intègrent le comportement animal dans leur programme, mais la spécialisation nécessite un approfondissement.
  • Diplômes complémentaires : Plusieurs diplômes universitaires spécifiques existent, tels que le CEAV (Certificat d’Études Approfondies Vétérinaires) de Médecine du comportement, ou le Diplôme Inter-Écoles de Comportementaliste vétérinaire. Certains vétérinaires poursuivent jusqu’au Diplôme d'État de Vétérinaire Comportementaliste Décerné par l’Ordre National.
  • Formation continue : De nombreux congrès, webinaires, groupes d’échange ou réseaux (comme le GECAF, Groupe d’Étude du Comportement des Animaux de la FEDPV) permettent de maintenir à jour les connaissances et d’échanger des cas.

L’effectif : En 2022, on comptait environ 250 vétérinaires identifiés comme compétences renforcées ou spécialistes en comportement en France (Source : GECAF), pour un cheptel de plus de 26 millions de chiens et chats. La demande en consultations comportementales croît d’au moins 7% par an, portée par la médiatisation des enjeux de bien-être animal.

Quels motifs pour consulter le vétérinaire comportementaliste ?

Les raisons sont extrêmement variées. Si certains motifs restent classiques, d’autres sont en pleine émergence, reflets de l’évolution de notre rapport à l’animal de compagnie.

  • Chez le chien : Hyperattachement, agressivité envers les congénères ou les humains, aboiements compulsifs, destruction, troubles anxieux, phobies (feux d’artifice, orages…).
  • Chez le chat : Marquage urinaire, malpropreté, automutilation, agressivité, léchage compulsif, anxiété face à de nouveaux membres (conjoint, bébé, nouvel animal…).
  • Nouveaux Animaux de Compagnie (NAC) : Comportements d’automutilation chez les perroquets, stéréotypies chez les lapins, agressivité des furets…
  • Espèces « de rente » : Problèmes de stéréotypies chez le cheval, troubles de l’interaction dans les élevages bovins, troubles du groupe (cheptel laitier) – domaines où la médecine comportementale progresse aussi.

Anecdote de terrain : Une étude menée par l’AFVAC dans 76 cabinets vétérinaires a montré que 12% des consultations chiens concernaient un trouble comportemental, dont 4% en première intention. Chez le chat, 18% des consultations sont, directement ou indirectement, liées à des problématiques comportementales (AFVAC, 2021).

Les troubles peuvent avoir un impact direct non seulement sur la relation à l’animal, mais aussi sur la santé humaine (morsures, troubles du sommeil, stress dans le foyer...). Le vétérinaire comportementaliste agit donc à la fois pour le bien-être animal et la sérénité familiale.

Comment se passe une consultation en médecine comportementale ?

Contrairement à une consultation « classique », la première rencontre en comportement se distingue par sa durée et sa méthode.

  • Une anamnèse exhaustive : Recueil de l’histoire de l’animal, description du problème, analyse du contexte de vie, des routines, de l’environnement, du parcours médical et, souvent, des attentes de la famille.
  • Observation clinique : Analyse des interactions, postures, signaux d’apaisement ou d’agressivité. Parfois, des vidéos fournies par les propriétaires sont utiles.
  • Examen médical : Recherche d’une éventuelle cause organique (douleurs, maladie, trouble neurologique…). Le vétérinaire peut demander des examens complémentaires si nécessaire.
  • Bilan comportemental : Mise en place d’un diagnostic comportemental précis.
  • Plan thérapeutique : Combinaison de mesures adaptées : thérapie comportementale, modification de l’environnement, conseils de gestion, encadrement de l’éducation, et parfois, traitement médicamenteux spécifique (psychotropes vétérinaires, phéromonothérapie…).
  • Suivi à moyen ou long terme : Accompagnement des progrès, adaptation des recommandations, travail conjoint avec d’autres acteurs (éducateurs, éthologues, associations…).

Le coût et l’accès à la consultation

Le prix d’une première consultation varie généralement de 80 à 180 euros, selon la région et l’expérience du praticien (Source : enquête directe, 2023). Certaines mutuelles pour animaux prennent en charge une partie des consultations comportementales, mais la couverture reste hétérogène.

L’approche éthique du vétérinaire comportementaliste

Au-delà du soin, ce professionnel s’inscrit dans une réflexion éthique : il ne s’agit pas « d’obliger » un animal à se plier aux attentes humaines, mais de restaurer son bien-être et d’harmoniser la relation homme-animal.

  • Respect des capacités de communication et des limites de l’espèce
  • Refus de tout recours à des méthodes douloureuses ou coercitives (colliers électriques, violences verbales ou physiques…)
  • Pédagogie auprès des familles pour une compréhension mutuelle et la prévention des futurs troubles

Plus de 70% des troubles comportementaux débouchent, avec un suivi adapté, sur une amélioration ou une résolution complète (AFVAC, Rapport 2021). Mais il reste une minorité de cas, parfois aggravés par des interventions inappropriées, qui nécessitent une collaboration étroite entre vétérinares, éducateurs qualifiés et familles.

Quels enjeux pour demain ?

La médecine comportementale est un domaine en pleine expansion, porté par :

  • La prise de conscience collective du bien-être animal (règlementation croissante, évolution du statut juridique…)
  • Le besoin d’accompagnement personnalisé face à des situations de plus en plus diversifiées (adoptions massives post-Covid, familles recomposées, habitat urbain…)
  • L’apparition de nouveaux outils (consultations à distance, objets connectés pour le suivi comportemental, développement de la télémédecine vétérinaire autorisée depuis 2021 selon l’Ordre des vétérinaires).

Des études récentes explorent aussi le lien entre certains troubles comportementaux et des facteurs d’environnement encore sous-estimés : polluants, modes d’alimentation, promiscuité excessive en milieu urbain, etc. (Source : INRAE, rapport 2022).

Un partenaire clé pour le bien-être animal et la société

Le vétérinaire comportementaliste s’impose aujourd’hui comme un acteur central du bien-être animal, mais aussi de la santé publique au sens large. Il accompagne l’évolution de la place de l’animal dans nos sociétés, éclaire par son expertise des zones de tension ou d’incompréhension, et contribue à prévenir abandons et conflits.

Dans une société où l’attente vis-à-vis de l’animal de compagnie n’a jamais été aussi forte, où la valorisation du lien humain-animal devient pour beaucoup essentielle à l’équilibre quotidien, le vétérinaire comportementaliste apparaît comme un repère fiable, éthique et engagé. Un métier de demain, déjà indispensable aujourd’hui.

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